Le bonsaï et l’esprit du zen

Les bonzaïs, ces arbres miniatures, si vieux et si petits, contraints, sinueux, torturés, laissent rarement notre regard indifférent. Leur force concentrée nous révèlerait-elle quelques-uns de ses secrets ?

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L’art du bonsaï, une pratique pour tous ?

 

Quand on entend le mot « bonsaï », on pense généralement à des spécialistes qui passent des années à forcer leur arbre miniature, dans le respect d’un art antique et d’une philosophie hermétique.

Grâce aux moyens de production modernes, la pratique du bonsaï s’est mise à la portée de tous. Et les débutants, comme les initiés, peuvent former un arbre à leur goût, le garder en bonne santé et profiter de sa présence bienfaisante pendant de longues années.

De nos jours, des milliers d’arbres sont produits industriellement. L’un d’eux peut devenir un bonsaï, unique pour son propriétaire, à travers une relation qui se construit sur plusieurs années de soins et de compréhension.

Comme tout être vivant, l’arbre raconte son histoire à travers sa posture, ses formes et les stigmates laissés par les aléas traversés. Le tronc est une trajectoire, la cime un aboutissement, le collet un point de départ, les écorçages, les branches cassées et les mouvements du tronc sont les marques laissées par les événements de l’existence.

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La valeur du temps

 

Quand on achète un bonsaï, on adopte un arbre déjà âgé, qui le deviendra plus encore. Les Orientaux associent à l’usure l’idée du vécu et de la sagesse. Elle caractérise le vieillissement de la matière, inerte en apparence. Cette matière se dégradant en surface est, pour le taoïste, la manifestation du souffle inhérent à toute création et, pour un esprit occidental, l’usure d’un être vivant et son caractère familier.

L’usure est aussi la manifestation d’un contact, d’une relation. L’arbre devient « notre arbre ». La taille, même légère, suffit à transformer un bonsaï anodin en une création intime.

L’arbre, par sa stature et sa longévité, nous dépasse. Il nous protège, nous abrite, nous rassure. Un bonsaï est plutôt un individu, un sage, stable, lent, immortel car un arbre peut vivre plus de mille ans et, par boutures successives, il peut être éternel. Marqué par les saisons, il suit le rythme du temps.

 

Le bonsaï dans notre monde moderne

 

Le besoin de contraste anime toute vie équilibrée. L’agressivité du monde s’oublie de diverses manières (musique, art, sport, convivialité…).

S’asseoir pour regarder un bonsaï, le faire tourner, le déplacer, le regarder encore, couper, arroser, fertiliser…

Entretenir un bonsaï est certes plus difficile que de servir un convive. Mais lorsque les éléments de cet entretien sont intégrés, sérénité et silence s’imposent facilement. Les sons de la nature succèdent à l’agitation.

Le bonsaï aurait sa place à l’école, parmi les plantations éducatives, dans une expérience reconduite d’année en année : car il permet d’étudier les arbres, leur utilité, leur fragilité, et de sensibiliser les enfants à la beauté du monde végétal.

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La tranquillité d’esprit, ou la mise en veille de la fonction « intelligence »

 

Le bonsaï invite à la contemplation sans analyse particulière. Cette sensation de calme est accessible à tous. De même, l’observation d’un arbre isolé, l’écoute du vent dans les branches, du bruit de l’eau, un déplacement silencieux en barque, la contemplation d’un coucher de soleil sont des moyens simples de reposer l’esprit, de recréer un lien avec la nature.

Nous avons tous dans notre inconscient un ou plusieurs arbres préférés, notre vie est profondément liée aux arbres. Le bonsaï permet de recréer ce lien, de percevoir le temps, les cycles des saisons, de la vie.

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Les origines du Bonsaï

 

Originaire de Chine, la culture du bonsaï a évolué de concert avec d’autres formes d’arts, comme la calligraphie, la peinture, le jardin chinois, et s’est répandue au Japon, qui l’a fait évoluer, tout comme l’Ikebana (l’art floral japonais), les pierres figuratives et l’art du jardin japonais.

Cette évolution s’est déroulée dans l’univers culturel du taoïsme, du shintoïsme et du bouddhisme. On voit des arbres en pots représentés sur les peintures traditionnelles chinoises puis japonaises. Et les écrits rappellent le symbolisme du bonsaï ainsi que la place particulière qu’il occupait dans la vie quotidienne des lettrés ainsi que son rôle social, religieux et artistique.

Le mot « bonsaï (employé au Japon depuis 1875) désigne une pratique plus que millénaire. A l’époque des Han (206 avant J.C.), les bonsaï étaient des petits arbres cultivés en pots ou dans des coupes, à but esthétique, arrangés selon des normes traduisant une pensée, une aspiration. Dans l’idée de miniaturiser la nature, les plantes en pots étaient nécessaires aux cérémonies. Les montagnes étaient représentées par des pierres disposées dans les jardins. Il s’agissait ainsi de paysages dont l’arbre n’était qu’une composante.

Sous les Tang (618-907), la création de paysages miniaturisés répondait au besoin (religieux) de mettre en scène les forces de la nature, expression du Tao, et de rapprocher l’homme des forces protectrices de la nature.

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La bienveillance du bonsaï était concrétisée par l’inclinaison de sa cime (légèrement courbée vers le spectateur), la concentration de ses forces était liée à sa réduction.

Aujourd’hui encore, le bonsaï dégage une force et prolonge la vie de son gardien, adepte du Tao. Les arbres, les roches, mais aussi l’espace qui les sépare, sont l’expression de souffles, de forces, mettant en jeu, entre autres, l’asymétrie et la compensation des parties aériennes par un enracinement latéral.

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Pour en savoir plus

 

Parmi les nombreux ouvrages de vulgarisation et les informations disponibles dans les associations, je citerai un livre très bien documenté :

« La connaissance du bonsaï », Benoît Grandjean (Ed. Edisud)

 

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