Le Loess, Terre-mère de la Chine (Civilisation Chinoise #3)

L’humanité plonge ses racines dans une histoire millénaire. La Chine d’aujourd’hui, baignée par les eaux du Fleuve Jaune et du Yang Tsé, n’échappe pas à cette règle.

Le Loess, terre-mère de la Chine

Dans le Nord d’une terre immense, d’un empire aux mille visages, des hommes ont dompté le cours des fleuves et apprivoisé une terre douce comme de la soie. Ils ont maîtrisé la fonte des métaux jusqu’à aboutir à un art qui leur a permis de tutoyer les Dieux.

Pour ces Chinois du Nord, austères et courageux, l’horizon avait valeur de symbole. C’est de là que l’ennemi pouvait surgir. Mais c’est aussi vers là que s’étendait un empire toujours plus vaste. En unifiant un territoire immense, des empereurs ont bâti une nation gigantesque. Pourtant, là où tout a commencé, il n’y avait rien d’autre que de la terre et de l’eau.

 

Le Loess, terre fertile

 

Cette terre qui s’étend à perte de vue a beaucoup voyagé. Poussière sédimentaire amenée par le vent des déserts d’Asie Centrale, le Loess est d’une fertilité sans égale. Des villages entiers vivent de son exploitation. En hiver, lorsque les rafales violentes viennent tenter d’arracher aux collines ce trésor naturel, tous les paysans des villages s’efforcent de stabiliser les sols en terrasses au moyen de simples pelles. Le Loess est une poussière aussi fine que douce et la moindre bourrasque le pousse toujours plus loin.

Plateaux de Loess

Plateaux de Loess

 

Les hommes se sont installés ici il y a plus de 10 000 ans. C’est grâce à cette terre que la civilisation a vu le jour en Chine. Elle est tout à la fois le terreau primordial et le matériau de bien des inventions. Jamais une civilisation ne se sera autant confondue avec la terre qui l’a vue naître.

Les jours de tempête, le loess se fond dans l’eau qui dévale des plateaux du Nord. Le limon millénaire a donné son nom à l’un des plus grands fleuves du monde, le Fleuve Jaune.

Fleuve jaune – Chutes Hukou

Fleuve jaune – Chutes Hukou

 

Connue comme la rivière mère par les Chinois, le fleuve Jaune est le deuxième plus long fleuve en Chine (juste après la rivière Yangtze) à la longueur estimée de 5.464 kilomètres. Il prend sa source dans les montagnes de Bayan Har dans la province du Qinghai en Chine occidentale, serpentant à travers 9 provinces et finalement se jeter dans la mer de Bohai.

Le Fleuve Jaune – Zhang Wen Yi

« Le Fleuve Jaune » – Zhang Wen Yi

 

A plus de 20 000 kilomètres de l’Europe, s’étend un territoire de 10 millions de km2. C’est là, entre Fleuve Jaune et Yang Tsé, qu’est née la civilisation chinoise. Par son rôle fondamental, le Fleuve Jaune a été le berceau de la civilisation en Chine du Nord, de même que le Yang Tsé Kiang a été celui de la civilisation en Chine du Sud. Il a façonné tout le paysage de cette région du Nord, cette Chine du loess, de la terre jaune, extrêmement fertile, sur laquelle les premiers agriculteurs se sont installés.

Aujourd’hui, la Chine du Nord ressemble à une grande plaine semi-désertique jaune, bordée de terrasses de loess. Entre 6600 et 4000 ans avant notre ère, une vaste forêt de feuillus couvrait à peu près toute la Chine du Nord, jusqu’à la limite de la Mongolie. Mais dès leur implantation, les premiers groupes humains ont coupé la forêt de ces plateaux où ne tombent plus, aujourd’hui, que 400 millimètres de pluie par an. Cette déforestation a détruit des milliers de km2 de bois. Il y a 3000 ans, arbres et arbustes formaient 80% des paysages de cette région. Aujourd’hui, ils n’en constituent plus que 5%.

A Yonglin, la forêt primaire a été préservée tout au long des millénaires. Il est formellement interdit d’y couper du bois. Pour les Chinois modernes, cet endroit est magique. Il garde le souvenir du passé et, selon la légende, des arbres auraient été plantés par certains empereurs de la dynastie des Yin, il y a 3500 ans, alors que tous les autres ont rasé le territoire pour bâtir leur empire. En s’enracinant dans le loess, les futaies ont permis aux nappes phréatiques de se stabiliser et aux sources de rester abondantes : une exception sur les hauts plateaux.

 

Les tombeaux des rois Yin

 

Le Bois a été sacrifié à la grandeur des premières dynasties. C’est de lui que la civilisation a tiré sa force vitale. C’est grâce à lui que les artistes ont pu perfectionner leur art et que les premiers empereurs ont pu construire leurs tombes monumentales.

En 1928, dans la province du Henan, près de Anyang, les archéologues découvrent des tombes datant de 1600 ans avant notre ère, qui vont bouleverser les connaissances sur la Chine antique. Pour la première fois, ces tombes somptueuses fournissent la preuve de la puissance du Nord de la Chine dès cette époque. Les fouilles vont s’étendre sur un vaste territoire englobant toute la région. La complexité géométrique et la taille gigantesque de leurs tombeaux, recelant de fabuleux trésors, montre le niveau de civilisation atteint par les empereurs Yin.

La Chine du Nord est la terre du millet alors que la Chine du Sud, verdoyante, plus humide, est la terre du riz. Il y a 3600 ans, sur les bords du Fleuve Jaune, dans la région de Chengzu, s’étendaient déjà des champs de millet, de blé ou de soja.

Au nord du Fleuve Jaune, le voyageur pénétrait dans le pays des barbares, des nomades qui vivaient de l’élevage, avec lesquels les paysans du loess entretenaient de nombreuses relations commerciales. Mais le loess est bien plus que ce terreau fertile, propice au développement des cultures. Il a gardé l’empreinte du passé de la nation chinoise et ses multiples qualités ont été exploitées par les artistes et les bâtisseurs.

Le loess est la matière première qui domine tout le paysage. C’est le matériau qui, avec le bois, a servi dans l’architecture chinoise depuis l’origine. C’est avec le loess, parfois mêlé d’argile que l’on a construit les maisons des paysans, mais aussi les palais des rois ou les enceintes des premières villes fortifiées.

 

Le Loess, matériau de construction

 

Grande muraille à Gansu

Grande muraille à Gansu (briques en loess)

 

Il y a 3600 ans, les paysans chinois ont fait une découverte : tassées, compressées, les fines particules du loess s’agglomèrent en un ensemble aussi solide que la pierre ; une qualité providentielle dans ces régions car, à la nuit tombée, les éléphants, rhinocéros et autres animaux sauvages sortaient des forêts épaisses pour dévaster les cultures et dévorer les troupeaux. Aujourd’hui encore, les agriculteurs des hauts plateaux du Nord de la Chine utilisent cette méthode ancestrale pour construire les murs qui entourent leurs champs.

La terre, patiemment damée dans un chassis de bois, acquiert, en séchant les mêmes qualités que la brique. Les applications de cette technique, surnommée banzou par les Chinois, ont largement dépassé le cadre de la construction domestique.

Les murs de terre dressés au cœur de la ville moderne de Zhengzhou, sur les berges du Fleuve Jaune, ont plus de 3000 ans. On estime que chaque couche de loess était épaisse de 10 cm. Pour édifier certains tronçons, les maçons chinois ont tassé et superposé plus de 100 couches. Quelle patience ! L’enceinte mesure 7 km de long, 9 mètres de haut et 20 mètres de large. Cette fortification de titans protégeait le cœur de la cité royale, capitale des Yin. Pour la bâtir, 10 000 travailleurs se sont relayés tous les jours pendant 18 ans. Ce monument est la preuve de l’évolution d’une nation qui s’est construite avec la poussière du désert et l’eau du Fleuve Jaune.

Yaodong – plateau de Loess

Yaodong – plateau de Loess

 

(Re-)découvrez les 2 premiers articles sur la Civilisation Chinoise :

La civilisation chinoise depuis la préhistoire jusqu’à l’ère Chrétienne

La civilisation chinoise du début de l’ère chrétienne au XXème siècle

 

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