Thomas W. Schaller : 5 conseils d’un aquarelliste renommé

J’apprécie la lumière et les couleurs chaudes de Thomas W. Schaller, artiste américain. En tant qu’architecte et aquarelliste, il a su magnifier les paysages urbains, en capter les lignes essentielles et nous les rendre accessibles. Voici quelques uns de ses principaux enseignements (dispensés dans ses stages et ses livres).

Thomas W Schaller - Kiyomizu sous la neige - Kyoto

Kiyomizu dans la neige – Kyoto (Thomas W Schaller)

AVANT TOUT : « Ne pas peindre la scène en face de vous. Peindre la lumière qui la définit et lui donne vie. »

Bien qu’il ait été élevé dans une ferme du Midwest, Thomas W. Schaller a passé la majorité de sa vie à Manhattan où il a travaillé dans l’architecture commerciale. Aujourd’hui son atelier d’artiste peintre est situé à Los Angeles. Thomas Schaller a fait le saut dans cette nouvelle profession quand l’un de ses amis artistes lui a demandé ce qu’il voulait faire de sa vie. « Je lui ai dit que je voulais être peintre, un véritable artiste, se souvient-il, mais j’ai énuméré toutes les raisons qui semblaient rendre ce rêve impossible. Mon ami écouta poliment toutes mes excuses puis me dit simplement : Si vous voulez être peintre, il suffit de peindre. Toutes les autres choses prendront soin d’elles-mêmes ».

Ce jour-là, la vie de Schaller a changé. Sa formation en architecture influence son art, comme vous pouvez le voir dans ses peintures.

 

Temple Kyomizu - Kyoto

Temple Kyomizu – Kyoto

Peindre les émotions

« Je suis très attiré par l’environnement bâti, les paysages urbains, les maisons. Mais au fil du temps, je me suis aperçu du poids émotionnel de ces endroits, des histoires qu’ils ont à raconter. Dans la plupart des lieux qui m’inspirent, j’ai réalisé que ce sont les histoires et les émotions que je veux peindre, plus que les bâtiments eux-mêmes.

Cela dit, j’ai tiré avantage de mes compétences techniques – la perspective, l’échelle, la composition, etc. – qui sont devenues presque une sorte de « mémoire musculaire ». Je ne bute plus sur certains aspects techniques et peux me concentrer davantage sur l’impact émotionnel de mes aquarelles. »

Peindre la lumière en mouvement

Thomas Schaller ne peint pas seulement les bâtiments, rarement considérés comme des sujets isolés. L’artiste montre le mouvement de la lumière sur la pierre et ses œuvres ont presque toujours une composante humaine, comme les gens qui passent, souvent de dos, pour définir le but de l’architecture, animer l’espace, le rendre vivant.

Quant à son processus de création, Thomas Schaller préfère terminer chaque travail en une seule fois : rarement permet-il à un endroit d’être complètement sec avant de passer à la phase suivante. « Cela signifie jongler et garder plusieurs grandes surfaces humides en même temps, explique t-il. J’y prends beaucoup de plaisir, mais le timing peut se compliquer, surtout quand on travaille sur de plus grandes peintures. »

Peindre avec le cœur

Lorsque l’on demande à l’artiste quelles nouveautés il espère introduire dans son travail, il nous dit : « Presque tout mon travail est issu de l’observation du monde réel, mais je ne peins pas exactement ce que je vois. J’interprète ce que je vois, je peins ce que je ressens. Je demande à mes élèves et à moi-même de ne pas peindre ce qui nous inspire, mais de peindre l’inspiration elle-même ».

Thomas W. Schaller : Architecte de la lumière

Architecte de la lumière

Un des ateliers que l’artiste donne à l’École d’Art de Fallbrook, en Californie, s’intitule « L’architecture de la Lumière ».

Voici ses principaux conseils :

  • LA VALEUR : Tout d’abord il enseigne que la valeur est beaucoup plus importante que la couleur. « Je ne veux pas dire que la couleur est sans importance, mais pour maintenir le contraste des valeurs, les lumières doivent être soigneusement conservées, comme le blanc du papier. l’aquarelle est un procédé soustractif – toutes les couches de pigment soustraient de la lumière à l’image. Il est donc très important d’identifier les lumières et les ombres tout en composant les éléments du tableau – d’où l’utilité d’une esquisse au crayon de graphite souple dans un carnet de croquis séparé. »
  • L’EAU : Une autre révélation de l’atelier est d’observer les volumes bruts de l’eau et du pigment que Tom utilise dans l’application des premiers lavis (« jus de situation »).
    Le plus souvent, il garde son lavis humide (en le pulvérisant de temps en temps) assez longtemps pour appliquer le pigment suivant, ou bien en l’autorisant à couler dans un autre. Il y a souvent des moments où l’eau s’écoule en dehors de la feuille, mais on peut rajouter du pigment tant que le papier reste humide.
  • RACONTER UNE HISTOIRE : C’est plus une approche qu’une technique. Quand on a donné suffisamment d’informations visuelles, il faut savoir cesser d’être trop esclave de la réalité. « A un moment donné, vous avez besoin de commencer à écouter la peinture. Il y a un monde dans l’image que vous créez. Votre peinture doit raconter une histoire, même si cela signifie modifier des composants de votre tableau, en vous éloignant de votre esquisse, en étant moins fidèle à ce que vous voyez. »

Temple Horyu-ji - Nara

Temple Horyu-ji – Nara

  • L’EMOTION : « Au fil des ans, nous amassons une vaste collection de souvenirs visuels, sensoriels et émotionnels. Nous pouvons en tirer parti pendant toute notre vie. Et dans cette collection devraient également se trouver les sentiments que nous avions au moment même où nous n’avons vu que la lumière, où nous nous sommes souvenus de l’odeur des feuilles, du froid dans l’air, d’un après-midi où les ombres s’étiraient sur la route, d’une conversation avec un voisin ou un ami.
    C’est l’essence de l’art – plus que les détails exacts -. Et moi je ne peins pas tant la scène en face de moi que le souvenir de ce moment-là. Et si ma peinture suscite les questions de l’observateur, alors je pense que j’ai fait mon travail ».
  • LA PRATIQUE : Un peintre peint, un écrivain écrit, et ainsi de suite, dit-ont. C’est assez vrai. Nous n’améliorons que les compétences que nous pratiquons. Le seul jardin qui pousse est celui que nous avons arrosé. Et pour être honnête, je ne suis généralement pas heureux quand je dois rester une journée sans peindre.

    Quand on manque de temps, prendre quelques minutes, juste pour être attentif à ce monde. Passer un peu de temps sur son vélo, regarder les gens dans la rue, parler avec un ami, ou tout simplement être attentif à l’animation autour de soi, aux sons, aux millions d’angles de lumière que la nature fournit, ou regarder, vraiment regarder le ciel ; tout cela contribue à façonner notre vision personnelle, unique.

Thomas Schaller - Trois ponts en France

Trois ponts en France

Celui de droite est le Pont Valentré à Cahors. Les deux autres sont des ponts partiellement réels et partiellement imaginaires inspirés par la belle région de Dordogne, dans ce pays étonnant qu’est la France

 

Dans le prochain article, ce grand aquarelliste vous révélera d’autres principes qui lui tiennent à cœur et ont guidé ses pas, comme ils l’ont fait pour moi et bientôt pour vous, je l’espère. En voici un aperçu :

LA LUMIÈRE

« Avant même de peindre, la lumière est déjà là, sur le papier vierge. Tout ce qui me reste à faire est de peindre l’obscurité par rapport aux ombres et aux nuances pour permettre à la lumière de s’exprimer, de briller à travers la peinture.

J’aime penser que l’aquarelle est un processus de soustraction. Nous commençons avec le maximum de lumière disponible sur la feuille blanche, vierge.

Nous la soustrayons progressivement par l’ajout de formes et de zones de valeurs plus sombres. C’est donc la juxtaposition, le dialogue entre les valeurs, qui donne son identité au tableau final.

Dans presque tous mes travaux, il est facile de repérer une zone intacte, totalement blanche – un peu de blanc pur et brillant. Souvent cette zone est compensée par la proximité de la zone la plus sombre. Dans le même travail, il existe une tension, une expression dramatique.

J’ai également tendance à décomposer mon travail en trois formes de base, de trois valeurs : « demi-tons », « claire », « sombre ». Ces formes peuvent être organisées de multiples façons et rendent l’œuvre expressive, dynamique.

LA COULEUR

J’aime la couleur. Si je m’écoutais, j’achèterais tous les tubes d’un magasin d’art. Mais je demande à mes élèves et à moi-même d’avoir une palette limitée, aussi simple que possible, et de travailler plus sur la valeur que sur la couleur.

Aucune quantité de belle couleur ne pourra sauver une œuvre si les valeurs sont trop uniformes et invariables – ou pire – quand la lumière est perdue. C’est pourquoi la recherche de la valeur dominante est importante avant de commencer le tableau, rendant ainsi la composition plus dynamique.

Thomas W Schaller - Intérieur - Cathédrale de Gérone en Espagne

Intérieur – Cathédrale de Gérone en Espagne

UN EXEMPLE : dans mon aquarelle « Intérieur – Cathédrale de Gérone, en Espagne », comme dans la plupart de mes peintures, j’explore les histoires de la lumière. Je tente de fournir un chemin de lumière convainquant pour attirer le spectateur et lui permettre de s’imaginer dans le tableau.

Ce sont les formes négatives qui donnent voix et expression au positif. Sans l’obscurité, la lumière n’a pas de voix. »

À BIENTÔT POUR D’AUTRES TABLEAUX ET CONSEILS…

4 Commentaires

  1. J’adore votre travail. tout est beau et lumineux. merci pour votre generosité

  2. bonsoir vous avez une âme artistique c’est rare qu’on trouve quelqu’un comme ça… bonne chance moi aussi je suis un artiste peintre

  3. Quel bel article, non seulement plein de poésie mais riche en conseils ! Merci. J’espère qu’il y en aura encore. J’admire vos aquarelles.

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